[Traducción] Qu'est-ce qu'une bonne éducation ?
Nous explorons l'éducation ancienne, sa relation avec le cosmos et le principe suprême de l'être.
À la demande d'un bon ami, je traduis cet article en français. S'il vous interpelle, n'hésitez pas à le partager avec vos amis francophones.
La bonne éducation
J'espère que personne ne sera surpris ou choqué si j'énonce la vérité apodictique suivante : le diplômé moyen de n'importe quelle université prestigieuse serait considéré, selon les normes de n'importe quelle université médiévale ou académie grecque, comme un grand et parfait imbécile.
Il est indéniable que l'éducation contemporaine a pour seul objectif d'annuler l'être humain—de castrer ses capacités physiques, sensibles, émotionnelles, intellectuelles, poétiques et spirituelles.....
Mais il n'en a pas toujours été ainsi, et il n'en sera pas toujours ainsi, je l'espère. À une époque pas si lointaine, il existait ce qu'on appelait la bonne éducation. En quoi consistait-elle ?
Toute bonne éducation part nécessairement de la reconnaissance du fait que l'homme est une créature déchue—mais qui peut être réparée. Nous sommes des êtres dotés de capacités incroyables, capables d'atteindre des extrêmes sublimes de bonté, de puissance, de beauté ou de compassion. Cependant, toutes ces capacités doivent être éveillées, actualisées. L'être humain à part entière est un être qui doit être formé et extirpé de la fange de l'indétermination qui le recouvre depuis sa naissance.
Sans ce dogme central, aucune entreprise éducative n'a de sens (je m'adresse à vous, rousseauistes cachés et romantiques récalcitrants !). Quel est l'intérêt d'éduquer un homme "naturellement bon" ?
C'est ce qu'indique l'étymologie même du mot "éducation", composé des racines latines e, qui signifie "de" ou "à partir de", et ducere, verbe qui a le sens de "guider", "conduire" ou "tirer". Éduquer signifie donc littéralement "conduire à partir de" ou "extraire de". Extraire d'où ? L'enseignant guide l'élève vers l'actualisation de son potentiel, vers la réalisation de son essence humaine. Mais, pour cela, il doit l'arracher, l'extraire de l'obscurité dans laquelle il est enveloppé et le conduire vers la lumière.
De cette méditation étymologique, nous pouvons tirer deux conséquences préliminaires. Premièrement, le processus d'"extraction" ne peut être réalisé que par quelqu'un qui a déjà été extrait auparavant. C'est-à-dire que seul celui qui a déjà été éduqué, qui est déjà sorti, au moins partiellement, de sa condition initiale de désordre et qui a perfectionné sa nature, peut éduquer. Personne ne peut donner ce qu'il n'a pas, et personne ne peut guider s'il ne connaît pas le chemin.
Deuxièmement, et c'est l'un des points essentiels de toute cette réflexion, l'éducation n'attire l'apprenant que pour le conduire à un certain lieu. Par conséquent, une éducation sera toujours aussi bonne que le lieu vers lequel elle est censée conduire l'apprenant (pour le dire avec les philosophes, l'éducation est toujours déterminée par sa cause finale). Cette cause finale n'est autre que l'idée du Bien que se fait une époque (ou une personne ou une institution) donnée, ainsi que la conception générale de l'univers et de l’Être qui anime leur vie.
En bref, avant de parler des méthodes ou des moyens d'éducation—qui sont souvent le sujet unique de ces discussions—nous devons nous efforcer de comprendre le point de départ (la nature humaine) et le point d'arrivée (ce que nous comprenons par Bien, par Être, par Vérité, par Beauté et par Dieu).
La meilleure éducation
L'Antiquité classique et l'époque médiévale sont, sans aucun doute, les deux périodes historiques au cours desquelles l'éducation a été la plus glorieuse. Je pense à l'éducation de l'Athènes de Périclès, de la Rome de Tacite, de la France de l'évêque Sully, parmi tant d'autres exemples.
Entre autres facteurs, l'éducation de ces époques a été grande par les sources qui animaient les hommes qui les ont traversées - par l'idée du Bien qui les nourrissait, par la conception de l'univers qu'ils avaient, par le type d'hommes qu'ils cherchaient à engendrer.
Sans entrer dans les détails, la vision antique du monde peut se résumer au fait que les anciens considéraient à la fois le cosmos tout entier et la vie humaine comme une grande liturgie—et que, par conséquent, l'éducation devait former un homme apte à participer à ces liturgies.
Qu'est-ce que cela veut dire que le cosmos et la vie huamane soient une liturgie ?
Dans son fantastique Homo ludens, Huizinga compare la liturgie aux jeux : les deux phénomènes consistent en une série d'activités, de gestes et de rituels qui forment un tout ayant un sens en soi, et dans lequel tous les éléments tournent autour d'un principe central d'ordonnancement d'où tout découle et auquel tout se réfère.
Par exemple, si jouer au football implique de s'affronter rituellement et selon certaines règles autour du "principe" consistant à marquer le plus grand nombre de buts, nous pouvons également dire que les planètes jouent liturgiquement à tourner autour du principe solaire en suivant une série de mouvements réguliers ; ou que le cosmos tout entier se développe liturgiquement selon les règles précises (et secrètes) que le Principe d'Être a imposées à la création matérielle.
En même temps, la liturgie des planètes détermine la liturgie des saisons solaires et lunaires, qui oriente les diverses liturgies sociales, culturelles et politiques du monde humain. Pour leur part, les diverses liturgies humaines sont dictées d'une part par le Principe de la nature humaine et la physis du monde matériel, et d'autre part par les modes et les coutumes des époques, qui découlent de certains principes historiques...
L'homme antique comprenait que la vie humaine et le cosmos tout entier sont une série de liturgies qui se symbolisent les unes les autres - la liturgie de la lune et son attirance pour la mer symbolise la liturgie de l'homme et son attirance pour la femme, la liturgie des abeilles symbolise la liturgie de l'organisation politique, etc. En même temps, tout homme ancien bien formé savait parfaitement que toutes les liturgies ne sont que de petits symboles qui trouvent leur place finale dans la Grande Liturgie. En d'autres termes, toutes les liturgies, cosmiques et humaines, matérielles et immatérielles, renvoient au même Principe. Mais nous y reviendrons un autre jour...
La bonne éducation consiste donc en un développement harmonieux des pouvoirs humains—un développement "juste", comme dirait le maître Platon—afin de permettre à l'homme de participer adéquatement aux multiples niveaux de la Grande Liturgie et, en définitive, d'approcher et de vivre en accord avec le Grand Principe.
L'éducation est, en d'autres termes, une liturgisation de l'homme :
L'éducation du corps par l'exercice permet à l'homme de développer la force et les vertus nécessaires pour interagir avec les liturgies du monde matériel et celles du monde social....
L'éducation de la sensibilité et des sens par un contact profond avec la réalité permet à l'homme de commencer à expérimenter et à comprendre les liturgies cosmiques ainsi que la liturgie de la beauté....
L'éducation des vertus permet à l'homme de participer aux liturgies sociales, culturelles et politiques...
L'éducation de la raison permet à l'homme de participer à la liturgie du cosmos et de la création, en passant progressivement du concret à l'universel, en appréciant l'ordre, la beauté, la bonté et l'harmonie.
L'éducation de l'intelligence, c'est-à-dire la formation des capacités symboliques et spirituelles, permet à l'homme de comprendre que tout ce qui est est plus que lui-même et que tout a son ordre dans la liturgie éternelle.
Outre le caractère liturgique de l'éducation antique, trois autres caractéristiques méritent d'être soulignées :
Premièrement, l'une des caractéristiques essentielles de l'éducation antique et médiévale était son caractère unitaire et organique. Si l'univers entier tourne autour d'un même principe et si l'éducation tente de ramener l'homme à ce principe, il est logique de conclure que, bien que l'éducation antique ait des "parties" différentes, elles tendent toutes vers la même fin. Qu'il s'agisse d'arithmétique, de musique ou de sport, le but est de former l'esprit de l'homme, d'étudier la création et de remonter à son créateur.
Deuxièmement, il faut souligner le caractère aristocratique de ce type d'éducation. Ce type d'enseignement était (et est !) réservé à quelques happy few qui avaient les moyens, le temps, le talent et la paix pour entreprendre une formation qui nécessitait beaucoup de temps libre, plusieurs heures d'étude par jour, des professeurs hautement qualifiés, un guide avisé qui planifiait les programmes, etc...etc...
Troisièmement, et en conséquence du point précédent, il est très courant de voir dans les écrits anciens—surtout ceux de la Grèce antique—la description d'au moins deux types d'éducation.
D'une part, nous avons l'éducation de masse et populaire, appelée par Platon éducation civique, qui consiste à inculquer au plus grand nombre de citoyens les valeurs et les vertus (ou les défauts) dont un régime politique a besoin pour être stable. C'est le seul type d'éducation de masse connu dans l'Antiquité ; et c'est presque le seul type d'éducation qui existe aujourd'hui.
D'autre part, nous avons l'éducation que nous venons de décrire, que nous pouvons appeler libérale. C'est l'éducation propre à l'homme libre, c'est-à-dire à l'homme qui dispose de suffisamment de temps, de ressources et d'énergie pour se consacrer à la contemplation des vérités métaphysiques et universelles. Cette éducation n'était pas, n'est pas et ne sera jamais de masse ou populaire.
Qu'est-ce que l'éducation libérale, pourquoi a-t-elle produit tant de génies et tant d'œuvres glorieuses ?
Tout cela et plus encore la semaine prochaine...